franck avogadri peintureA 18 ans, il dessine, il peint, est-il un de ces peintres que l’on dit, non sans condescendance «  du dimanche ». Oui, si l’on veut bien accepter que le dimanche est jour de légèreté, de nonchalance, de rêverie non censurée. Donc, de temps en temps, sans fièvre ni angoisse, il peint en ce jour faste ou  tout  est permis. Sait il seulement que la peinture est une maitresse exigeante et qu’elle le prendra  un jour dans ses filets ?

Car le chevalet est là qui fait signe. Les soirées lui appartiennent, puis des jours entiers, alors il entre totalement en peinture. Quatre ans de travail acharné, d’exigence envers soi même (se méfier du narcissisme  complaisant qui accueille parfois les premiers travaux) A un moment nait le sentiment de pouvoir montrer, sans rougir, les produits de cette lutte contre la toile, contre les matériaux, le sentiment d’avoir dépassé très modestement. Mais très volontairement la dépendance par rapport aux grand maitres à l’origine de son désir de peindre.

Car Franck Avogadri est un homme de culture. Il a beaucoup regardé, beaucoup interrogé,  beaucoup appris dans les musées. Delaunay et Poliakoff ont été les tuteurs  de ces premiers essais. Il en gardera le besoin d’une structure ferme et le goût de la couleur. Dans  les œuvres datant de deux ou trois ans, les plans très précisément définis, contiennent la couleur  presque pure sur des fonds à peu près monochromes mais très vite se dessine ce qui sera l’ossature du style d’Avogadri : besoin de construire l’espace et contradictoire envie de liberté . C’est sur cette tension que se fonde son monde personnel, au  travers de multiples métamorphoses dont on peut  augurer qu’elles n’en sont peut-être qu’à leurs débuts.  Apparaît la matière. Elle attaque l’aplat  des formes géométriques,  elle rogne leur nette définition, en érodant  leurs marges. On perçoit le besoin irrépressible de débordement de la rigidité,  d’une respiration plus large. Elle introduit une sensualité dans la conception austère, plus intellectuelle  du tableau.

Dans la série des   « régate » l’agencement toujours très ferme des plans voit leurs frontières  s’effranger dans la légère imprécision de la matière picturale débordante.
Dans la série « espaces » c’est l’abandon de la base monochrome. Elle se charge des transparences obtenues par la superposition de papiers fin, colorés de pigments de son invention, froissée, pliés, d’épaisseurs variables, moins voulus dans leur disposition.

La lumière  fuse d’arrières plans nuancés, très vivants. Elle introduit une douceur nouvelle dans cette rigueur soudain plus allégée car plus aléatoire. Si l’on compare ces toiles aux œuvres plus anciennes, une simplification apparaît, preuve sans doute d’une plus grande confiance de l’artiste quand à ses moyens. La palette gagne en forme et en simplicité, chaque couleur résonne  au delà de la forme qui la contient, intense elle diffuse ses feux. L’améthyste, y occupe une place privilégiée, les bleus s’y déclinent, souvenir de cette côte  normande qu’il connaît si bien et dont les cieux mouillés l’inspire. Un coloriste est en train de naitre.

Franck Avogadri  est un chercheur d’expérimentations inédites, avec l’improvisation contrôlée elles sont les racines fertiles des germinations futures. Moins  sur la défensive un très léger lyrisme se glisse dans cet art, à la croisée des chemins, porte entrouverte pour une poésie qui demain viendra l’enrichir.

Galerie PROTEE
Laurence Izern